Vacances à Ansouis

Il y a longtemps que les propriétaires des Châteaux du Luberon n’habitent plus dans leur manoir. Ils résident à Aix, Marseille, puis Paris et viennent l’été à la campagne.

« Dès que les chaleurs se font sentir, c’est le grand départ, la grande migration de toute une ville vers la campagne depuis les moissons jusqu’après les vendanges. »[1]. Lorsqu’ils reviennent à l’automne, les carrosses sont chargés de volailles, de légumes, de bouteilles. Les têtes sont pleines de souvenirs de vacances, de baignades, de discussions savantes sous les arbres. On y parle politique et philosophie, mais aussi d’agriculture, de botanique et d’histoire naturelle.

A Ansouis, le château hérité du moyen-âge ne se prêtait guère à ces jeux. Les derniers aménagements de la forteresse avant 1578, étaient l’arasement de l’enceinte au sud, son remplacement par le bastion en forme d’éperon, et une grande terrasse apte à recevoir des canons. Des travaux qui faisaient d’Ansouis une forteresse imprenable mais pas un lieu de villégiature agréable. Le 4 novembre 1614, les travaux reprennent. Gaspard de Sabran passe commande d’un bâtiment à deux maçons Jean Brun de Cucuron, et  Achille Leaumont d’Ansouis. Les travaux sont rapidement interrompus par la mort du baron. Ils reprennent vers 1630 sous la direction de son héritier Sextius d’Escalis de Bras de Sabran. 

Le château de Sextius d’Escalis

Celui-ci va faire construire, sur la terrasse, le grand corps de logis qui domine le château aujourd’hui. Avec ses immenses fenêtres et son portail monumental, il ne s’agit plus d’un château-fort mais d’une résidence d’été. Sa construction va prendre plusieurs années[2]. Entretemps, Sextius d’Escalis vit le reste de l’année à Aix et Marseille où il participe aux affaires publiques. Il est consul d’Aix en 1630, puis viguier de Marseille en 1636, et à nouveau consul d’Aix de 1647 à 1650. Il meurt cette année là, victime de son devoir et de la peste[3]

Son fils Henri d’Escalis baron de Sabran finit par vendre le château le 16 juillet 1698 à Jean-Baptiste de Villeneuve au prix de 55.000 écus[4]. Celui-ci est le beau-père de sa fille mais ne reprend pas le nom. Il devient Jean-Baptiste de Villeneuve d’Ansouis. Sa famille gardera le château jusqu’après la Révolution. Ils vont faire toutes les gypseries rococo que l’on peut encore voir.

Mais la famille habite aussi en ville. Les de Villeneuve d’Ansouis ont un bel hôtel particulier à Aix lui aussi richement décoré[5] (aujourd’hui 9 rue du Quatre Septembre à Aix-En-Provence, à coté du musée Granet).

Les vacances à la campagne n’excluent pas d’être rejoint par les évènements extérieurs. Le 15 septembre 1796, Louis-Élzéar de Villeneuve meurt assassiné dans son parc d’Ansouis. « L’assassin lui tira à bout portant un coup de fusil qui ne le tua pas sur le champ ; il l’acheva à coups de baïonnette et de crosse de fusil. Madame d’Ansouis ayant voulu appeler du secours, le même homme lui porta plusieurs coups dont elle fut blessée assez dangereusement, après quoi il s’enfuit.

Ayant été arrêté, il avoua n’avoir commis ce crime que pour se défaire d’un ci-devant noble et d’un royaliste. Ceux qui l’arrêtèrent étaient des jeunes gens d’Aix qui fuyaient eux-mêmes dans les campagnes, poursuivis qu’ils étaient alors comme royalistes. Ils voulaient le conduire à Apt pour le remettre entre les mains de la justice ; mais craignant qu’il ne fût acquitté et rendu à la liberté attendu qu’il n’avait que tué un noble, ils le tuèrent à leur tour et le laissèrent mort sur le chemin. Telles étaient à cette époque l’exaltation et la morale des partis. Le baron d’Ansouis avait perdu, trois ans avant son fils aîné, immolé révolutionnairement à Lyon.[6][7]« 

Les Villeneuve sont au Château au moins jusqu’en 1811, année où ils participent encore au conseil municipal d’Ansouis. En 1836 le Duc Élzéar-Louis-Zozime de Sabran, premier duc de Sabran, Baron de Baudinard rachète le château de ses ancêtres et il le transmet avec son nom à ses cousins qu’il a adopté.

Guillaume de Sabran Pontevès en famille

C’est ainsi qu’au début du XXe siècle, sur la photo d’en-tête de cette chronique. on peut voir, devant le manoir construit par Sextius d’Escalis, Guillaume Élzéar Marie de Sabran-Pontevès accompagné de son épouse Philomène de Mark-Tripoli de Panisse-Passis et de leur fille cadette Marie Thérèse Dauphine Henriette, infirmière lors de la bataille de la Marne, décorée de la Légion d’Honneur et décédée en 1955. A cette époque la famille vivait entre Paris et Marseille et venait régulièrement à Ansouis.

Deux inconnus sur la terrasse

Cette photo ainsi que les deux suivantes ont été prises par Marc Deydier, photographe et notaire à Cucuron. Celui-ci connaissait bien les de Sabran-Pontevès dont il était gestionnaire des biens. La deuxième photo montre une vue rapprochée de la famille Sabran Pontevès déjà citée. La troisième fait voir deux inconnus assis avec des bouquets de fleur sur la terrasse du château. On voit en arrière plan le campanile et la colline des Pâtis, beaucoup plus déboisée qu’aujourd’hui.

Voyage en Ford T

Les deux dernières photos montrent des gens probablement en vacance au volant d’une Ford T. Si c’est réellement une photo de Deydier,  elle est de la toute fin de sa vie. La Ford T, première voiture produite dans une chaine industrielle, commence à être construite en 1908, et est importée en Europe à partir de la fin de la guerre en 1919[8].

La deuxième photo fait penser que, malgré l’industrialisation de la production, la fiabilité de la voiture n’était pas garantie à voir la perplexité apparente des deux personnages.

Perplexité devant la Ford T

 Enfin, était-elle à un touriste ou un habitant, la Peugeot 201 que l’on voit sur la carte postale située sur le Boulevard des Platanes ? Cette voiture produite de 1929 à 1937, était la première de la marque utilisant la nomenclature avec 3 numéros dont un « 0 » au milieu. Contrairement à une légende urbaine, le zéro au milieu n’a pas été mis pour introduire la manivelle, mais parce que c’était le 201e projet de la marque.[9] 

Pour en savoir plus                            

Il existe de nombreuses photos du château, du parc et de leurs visiteurs. Vous pouvez les trouver reparties dans les diverses séries de cartes postales. Aucune de ces séries n’est spécifiquement consacrée au château et à ses touristes.

Crédits

Photos de Marc Deydier Collection Lionel Guin-Ansouis-Patrimoine avec l’autorisation de Madeleine Jacquier. Les commentaires des photos s’appuient sur un article paru dans l’Ansouisien en janvier 2017.

(c) Région Provence-Alpes-Côte d’Azur – Inventaire général- p389 de l’inventaire topographique du Pays d’Aigues sous la direction de Paul-Albert Février (1981-Imprimerie nationale)


[1] Nerte Fustier-Dautier « Bastides et jardins de Provence » (édition Parenthèse-2013)page

[2] Elisabeth Sauze et Jean-Pierre Muret « Ansouis et son château » (2005-Association « pour le Luberon ») page 30 et suivantes.

[3] Voir le site http://genobco.free.fr/provence/Escalis-Bras.htm

[4] Voir le site http://genobco.free.fr/provence/Escalis-Bras.htm

[5] D.J.E Chol « Secrets et Décors des hôtels particuliers aixois » (2020, édition Chol) pages 137 et suivantes.

[6] Citation de Alphonse Roux-Alphéran cité par D.J.E Chol (opus cité ci-dessus page 145)

[7] Louis-Élzéar de Villeneuve Ansouis avait été condamné comme contre révolutionnaire et fusillé le 12 octobre 1793 à Lyon. (Geneanet arbre de Famille de mes aïeux !)

[8] Wikipedia articles Ford T et Citroën type A.

[9] Wikipédia article Peugeot 201.

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