Joseph Langiu est la deuxième victime de la guerre 39-45 sur le monument aux morts d’Ansouis.
Un peu de contexte : le Service du Travail Obligatoire (STO).
Le Service Obligatoire du Travail fut créé par une loi du 4 septembre 1942 et rapidement renommé Service du Travail Obligatoire, car l’acronyme S.O.T prêtait à interprétation.
Le STO était une nécessité vitale pour les Allemands. En effet, dès 1941, il est évident qu’ils doivent perdre une guerre de longue durée face à un ennemi supérieur en nombre et en ressources financières et industrielles. Ils doivent combattre les trois principaux empires du monde : l’Union Soviétique, l’Empire britannique, et les États-Unis d’Amérique. Démographiquement et industriellement, les forces sont déséquilibrées, même avec l’appoint des Italiens, des Hongrois et des Japonais. L’Allemagne ne pouvait avoir à la fois des soldats pour le front et des ouvriers dans les usines d’armement. Elle avait besoin de forces venues des pays occupés.
Le Régime de Vichy ne peut survivre sans la victoire allemande, il oblige donc les jeunes Français à aller remplacer les Allemands dans les usines du Reich. Dans un premier temps, les jeunes Français remplissent leurs obligations. Ils n’ont guère le choix. La police vient les chercher, et il n’y a pas de filière d’évasion. De mi 42 à juin 1943, le STO envoie 600 000 jeunes en Allemagne, répondant à toutes les demandes des Allemands. Les choses changent ensuite.
Après Stalingrad, la victoire allemande devient de moins en moins évidente. De plus, ceux qui revenaient en France faisaient état de conditions de vie déplorables : salaires de misère, alimentation insuffisante, mépris de la population allemande, bombardements alliés des usines. Ceux qui revenaient de permission ne se bousculaient pas pour y retourner. La Résistance intérieure se structure et ceux qui sont appelés au STO rejoignent les maquis. Les objectifs de recrutement allemands ne sont plus remplis[1].
Joseph Langiu
Joseph Langiu est né le 3 mai 1921 à Marseille de Thomas Langiu et Isabelle Cossu. Son père était venu d’Italie s’installer à Marseille. En 1936, Joseph est apprenti boucher chez Monsieur Blanc à Ansouis[2] . Toute la famille arrive ensuite à Ansouis. Lors du début de la guerre, elle travaille dans l’agriculture et habite dans la rue du Petit Portail, à côté de la boulangerie (aujourd’hui la boutique du santonnier).
En 1942, Joseph reçoit sa convocation pour le STO. La veille de son départ, il plaisante avec ses amis, au bistrot chez Victorien, Rue du petit Portail.
II ne dit rien à personne, mais refusant son départ pour l’Allemagne, il gagne en douce le maquis du Luberon. De là, il est envoyé rejoindre le maquis plus structuré du Haut Vaucluse (à remarquer qu’à ce moment-là le Haut Vaucluse est occupé par les Italiens). Il est enregistré par la base Mémoire des hommes comme faisant partie des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
Un ami rencontré par Yves Barnouin, un certain Christophe, lui a dit qu’ils étaient revenus au village pour saluer la famille. Ils avaient dormi dans le grenier de Victorien, le cafetier en face de la maison des Langiu.
Début 1943, il est hébergé par Julien Philibert cultivateur à Valréas, quartier Saint-Pierre. Il dispose alors de faux papiers au nom de Joseph Vidal, né à Oran .
En avril 1943, Julien Philibert le place chez Adrienne Michel, propriétaire au domaine de Bavène toujours à Valréas. Joseph fait toujours de petits travaux pour Philibert.
En septembre 1943, les Allemands envahissent le haut Vaucluse. En effet, les Italiens ont destitué Mussolini le 25 juillet, signé une paix séparée avec les Américains (armistice de Cassibile) et se sont retirés de la France.
Suite au débarquement de Normandie, les résistants de Valréas prennent les armes, et s’emparent de de l mairie, de la poste et des armes de la gendarmerie. Le 12 juin 1944, vers 12 h 30, arrivent de la route de Montélimar, des troupes allemandes en tenue de camouflage avec des chars, des motocyclistes et des camions. Ils vont faire 53 morts à Valréas ce jour là.
Au domaine de Bavène, inquiète, Adrienne Michel conseille à Joseph Langiu de partir se cacher en montagne. Vers 18h00, Joseph part vers le quartier Saint-Pierre qui est en montagne et en pleine forêt. À 18 h 30, les Allemands quittent Valréas, mais ils ont eu le temps de s’emparer de Joseph.
Son cadavre est trouvé au quartier Cros à Colonzelle dans la Drôme, le 20 juin 1944, par une agricultrice, Mme veuve Marie Monnier, domiciliée dans cette commune (déclaration transcrite par le maire de Colonzelle). Il porte les mêmes vêtements que ceux qu’il avait à son départ de chez Mme Michel, un pantalon bleu de travail, un pull marin bleu et blanc, et une veste grise. Le corps paraît avoir été dévoré par des animaux tels que des chiens et des renards. Son ami Christophe a dit l’avoir reconnu grâce à un ceinturon qu’il lui avait donné. Le 22 juin le corps est mis en bière et enterré. Le 28 juin 1944, sur la foi en particulier des déclarations du maire, Joseph est déclaré décédé par le Tribunal de Montélimar.
Contact est pris avec la famille. Le 18 février 1945, Auguste Langiu, son frère, vient emporter le corps. À ce moment-là, son père était décédé également. La dépouille est ramenée à Ansouis, il repose dans le caveau familial du cimetière d’Ansouis.
Son nom figure sur le monument aux morts d’Ansouis (Vaucluse) et sur le Mémorial de la Résistance, à Mirmande-Saulce-sur-Rhône (Drôme).

Crédit
Texte établi par Thierry Fouque
Photo sur la tombe du cimetière d’Ansouis
L’histoire de Joseph Langiu était basée sur le discours d’Yves Barnouin, président honoraire de l’Amicale des Combattants d’Ansouis et de la Mémoire, le 8 mai 2015 (conservé dans les archives de l’Amicale). Pour compléter et vérifier, ont été consultés :
- L’ouvrage de Michèle Bitton et Jean Priol Mémoires 1939-1945 du Pays d’aigues (Vaucluse 2) D’Ansouis à Vitrolles en Luberon (éditions Mémoire et Histoire, 2018),
- La base https://maitron.fr/spip.php?article183426, notice LANGUI Joseph par Robert Serre, version mise en ligne le 14 août 2016, dernière modification le 21 décembre 2021 ;
- La base mémoire des hommes du Ministère de la Défense et en particulier la Base des militaires décédés pendant la Seconde Guerre mondiale, et la base FFI
A noter qu’il y a souvent une erreur d’orthographe sur son nom, qui est orthographié Langui.
Suite à la première publication de cette chronique, Michel Reboul, Président de l’Association cantonale des familles de Fusillés à Valréas s’est mis en contact avec nous, et a bien voulu nous transmettre les procès-verbaux de l’enquête de la gendarmerie. Ceci a permis de comprendre mieux le parcours de Joseph Langiu entre son départ d’Ansouis et la découverte de son corps. Qu’il soit remercié de son attention et de sa générosité.
Les quelques phrases sur la répression de Valréas s’appuient sur le site http://familles-de-fusilles.com/valreas/
[1] Rafael Spina Histoire du STO (Perrin ; 2017) et Yannick Rodrigues Le STO en Vaucluse (études Comtadines ; 2006).
[2] Recensement 1936 Archives départementales cote 6 M36

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